16 juillet 2008

Abolir la SHON qui s’oppose à la construction durable.

La SHON – surface hors œuvre nette – sert de base depuis trente ans au calcul des densités autorisées, le coefficient d’occupation des sols étant le rapport entre la SHON et la surface du terrain. Elle sert par conséquent de base au calcul de la charge foncière (le prix du terrain), des taxes locales, du nombre de places de stationnement à réaliser… Aussi, l’intérêt du maître d’ouvrage, promoteur ou simple pétitionnaire, consiste-t-il à réaliser le moins de SHON pour le plus de SHAB (surface habitable) ou de S.U. (surface utile) possibles, car il paie la première, vend ou vit la seconde. Le rapport SHAB ou SU sur SHON est de fil en aiguille devenu la contrainte principale imposée aux concepteurs. Si cette contrainte est lourde pour l’architecture, elle n’a pas de sens pour l’économie de la construction, à l'inverse du rapport SHAB – SHOB (surface hors œuvre brute).

La SHON est un monstre bureaucratique dont les effets pervers vont à l’encontre de tous les idéaux actuels en matière d’architecture, d’urbanisme et de développement durable. L’idéologie qui la soutend est la lutte contre la densification des tissus urbains, or cette densification s’avère de nos jours une nécessité pour l’amélioration des logements comme pour la lutte contre l’étalement urbain.

Obscur et illisible dans la réalité, le calcul de la SHON intègre, par exemple, les loggias, mais pas les balcons ; les celliers, mais pas les caves ; les locaux techniques en étages courants, mais pas en sous-sol ou en terrasse, etc… Au gré des politiques de l’Etat, 5 m² sont retranchés par logement quelle que soit leur taille pour l’adaptation aux handicapés, ou 5% voire 20% pour l’isolation thermique des logements hautement performants du point de vue énergétique, mais pas des bureaux… La SHON a sans doute interdit en France le développement des doubles murs en façade, solution traditionnelle dans toute l’Europe du Nord qui assure la pérennité des façades et la suppression des ponts thermiques. Elle pénalise en outre l’usage des matériaux naturels épais comme la terre ou la pierre. Elle s’oppose en pratique aux solutions d’isolation performante et de récupération de chaleur comme les sur-isolations par l’extérieur avec bardage, les doubles peaux vitrées larges, les serres froides ou chaudes, les loggias fermées, les atriums. Elle renchérit le coût des espaces de distribution (halls, coursives…), et celui des locaux de déchets dont le tri sélectif augmente l’importance. Elle va à l’encontre de la ventilation naturelle qui nécessite de larges gaines. Le recours à la SHON comme surface de référence se retrouve même dans le calcul réglementaire thermique qui s’opère sur la base d’un ratio de consommation conventionnelle ramenée à la shon, alors que c’est une valeur très variable, etc.

Pour définir le montant de la charge foncière, l’usage de la SHON aggrave la hausse du coût du foncier. À titre d’exemple, dans une ZAC parisienne où la charge foncière affectée à un mètre carré de SHON est le double du prix de la construction du mètre carré utile, la réalisation d’une double façade augmentant la SHON de 7,5 % entraîne un surcoût global de 5 %, sans compter le surcoût de la construction. De nombreux PLU ne font plus référence à la SHON, et certains aménageurs comme Territoires à Rennes vendent la charge foncière en fonction des mètres carrés habitables. La précision des plans de permis de construire rendait d’ailleurs la vérification de la SHAB plus facile que celle de la SHON.

On peut espérer que le Grenelle de l’Environnement convoqué par le Ministre en charge de l’Urbanisme et de la Construction conduise à quelques réformes administratives. En voici une qui ne coûte rien et que tous les acteurs de la construction appellent de leurs vœux : la suppression de la SHON et son remplacement quand c’est nécessaire par la surface utile (la « surface louable ») des locaux de travail et par la surface habitable « chauffée » bien définie par la loi Carrez. Ces valeurs beaucoup plus pertinentes trouvent leur vérité dans la constance des dimensions de l’homme et de ses habitudes de vie sociale. Et pourquoi pas, à l’instar de certains voisins, passer au volume habitable, socialement plus équitable, énergétiquement plus exact ?




Christian Devillers et Philippe Madec, architectes urbanistes

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