9 avril 2008

Etiquetage des produits : donner un coût environnemental à tous les achats

Abordée lors du Grenelle de l'environnement, la question de l'étiquetage de l'ensemble des produits vendus en France pourrait intégrer le projet de loi qui sera étudié au printemps. Un sujet abordé lors d'un atelier du FEDERE2008, le 28 mars dernier.


L'étiquetage transforme le marché. Pour François Moisan, directeur exécutif stratégie et recherche de l'ADEME, fournir des informations environnementales au consommateur a un impact positif sur le marché. L'étiquetage a été introduit par l'Union européenne en 1994 pour les réfrigérateurs (étiquette énergie). Cette mesure a conduit à une transformation rapide du marché et à une évolution qualitative de l'offre, explique-t-il.

Un constat partagé par l'ensemble des intervenants à l'atelier Certification et labellisation du 7ème Forum européen pour le développement durable et une entreprise responsable, organisé par Les Echos, les 27 et 28 mars derniers.

Le projet de loi portant sur cette question et issu des ateliers du Grenelle de l'Environnement sera débattu au printemps 2008. Son ambition ? A partir du 1er janvier 2011, tout produit doit, par voie de marquage, d'étiquetage, informer le consommateur sur le contenu en carbone du produit. Ce projet est très ambitieux, note François Moisan. Nous souhaitons, à travers lui, transformer les modes de consommation.

L'étiquetage, pour faire évoluer l'offre

Depuis 1994, l'étiquette énergie a été étendue à d'autres appareils électroménagers et récemment aux secteurs du bâtiment et de l'automobile. Au-delà de l'information des consommateurs, c'est une norme qui se met en place, un référentiel technique. L'essentiel de l'impact porte sur les fabricants, qui ne souhaitent pas voir leurs produits mal classés, explique François Moisan.
Avoir une information sur l'ensemble des produits que nous proposons induit forcément une démarche de progrès, une évolution pour tendre à une amélioration des performances de nos produits, confirme Gilbert Delahaye, directeur du Développement durable du groupe Casino.
Un avis partagé par Franck Moreno, directeur Développement durable du groupe Castorama : Cela nous permet de prendre conscience de l'impact des produits et de la marge de progrès que nous pouvons réaliser. Ce sera un outil de pilotage pour la conception de nos gammes futures.

Aujourd'hui, seuls 20 % des produits, « le haut du panier », sont concernés par des labels et certifications environnementales. Selon l'avis de tous, couvrir l'ensemble des produits par une information environnementale permettrait d'impacter sur la qualité des produits. D'ailleurs, à l'occasion de la Semaine du développement durable, une étude Ethicity* menée en partenariat avec l'ADEME tente de faire le point sur les intentions d'achats des Français en faveur des produits plus responsables. Si la prise de conscience des enjeux du développement durable semble acquise, puisque 61,7 % des Français disent vouloir disposer d'informations sur l'impact environnemental sur les étiquettes des produits qu'il consomme, l'étude établi que le total des personnes déclarant agir au travers de leurs actes d'achat plafonne à 20 %. 
La mauvaise connaissance des produits et de leur prix expliquerait ainsi majoritairement cette stagnation et conduirait les 3/4 des Français à penser que consommer responsable, c'est réduire sa consommation.

Les enjeux actuels : lisibilité et coordination

Si un consensus semble régner sur ce sujet, les modalités de mise en œuvre d'un tel projet posent davantage question : quel prix écologique va-t-on donner aux produits ? Un coût monétaire ? Un coût carbone ? Sur quels critères baserons-nous les calculs ? Un seul critère (CO2) ou plusieurs critères (impact sur l'eau…) ? questionne François Moisan.

L'heure est aujourd'hui à la réflexion : l'enjeu est de guider le consommateur dans son choix, analyse Philippe Osset, directeur du département développement durable de Pricewaterhouse Coopers. Il ne faut pas simplement mettre en place un étiquetage de plus parmi d'autres. L'information devra être compréhensible et pertinente.
De nombreuses questions restent aujourd'hui en suspens : Quels seront les critères retenus ? L'outil sera-t-il pertinent pour chaque classe de produit ? L'approche devra-t-elle être sectorielle ?

Pour affiner la démarche, plusieurs acteurs de la grande distribution se sont engagés, cette année, à étiqueter un certain nombre de produits. Depuis un an, nous avons entrepris un certain nombre de calculs pour évaluer le coût environnemental d'une centaine de produits, explique Gilbert Delahaye. Nous travaillons avec l'ADEME dans cette démarche. La question est : comment fournir une information simple alors que le sujet est complexe ?
Le groupe Casino a décidé de baser ses calculs sur 3 critères : le transport, l'emballage et le recyclage des matériaux. Le but ? Parvenir à un total de grammes carbone émis par le produit. L'intérêt à long terme, c'est que le consommateur puisse comparer les produits. Il faudra donc que l'ensemble des entreprises utilise les mêmes outils. L'objectif de 2011 est très optimiste, mais le processus est en marche ! commente Gilbert Delahaye.

Toute la chaîne de production et de distribution est concernée par cette démarche. Une fois l'outil mis en place, la coordination promet d'être longue et complexe : pour l'entreprise, l'enjeu financier est important. Cela implique des coûts d'investissement non négligeables. Il faudra une mise en place progressive de cette démarche, conclut Philippe Osset, de Pricewaterhouse Coopers.

S.FABREGAT


* Enquête commanditée par Ethicity et Aegis Media Expert et réalisée par TNS Media Intelligence en partenariat avec l'ADEME menée du 14 janvier au 11 février 2008 auprès d'un échantillon représentatif de la population française de 4580 individus âgés de 15 à 70 ans


Article publié par Actu-environnement, le 1/04/08

2 avril 2008

L'emballement durable

Vert et vertueux : en pleine Semaine du développement durable, pas une entreprise, pas une multinationale qui n'ait pris conscience du risque environnemental qui menace la planète. Du moins si l'on s'en réfère à leurs vertes affiches et communiqués de presse. Pas un média qui ne les relaie, ours polaire sur fond de banquise - fondante - à l'appui. Mais gare à l'emballement : "Nous sommes à la limite de l'indigestion", prévient Brigitte Mantel, directrice des tendances pour Getty Images France. Basée à Seattle, cette multinationale créatrice d'images vient de publier le rapport MAP (what Make A Picture) après avoir analysé 2 500 campagnes de communication dans le monde courant 2007.






Des apiculteurs s'occupent de ruches installées dans un espace vert à Besançon, le 03 octobre 2007.
AFP/JEFF PACHOUD







Selon cette enquête, réalisée avec Yankelovitch Research, les consommateurs de 2008 recherchent l'authenticité et se méfient du "greenwashing", cette tendance des annonceurs à peindre en vert leur communication sans changer leurs pratiques. "Ce qui est étonnant, c'est l'étroitesse de la palette des verts utilisés", commentent les auteurs de l'enquête. Alors que l'environnement prend une importance croissante dans le quotidien des consommateurs, ceux-ci deviennent de plus en plus méfiants vis-à-vis de la publicité mensongère. Les réactions des internautes le confirment : "Vous nous racontez tout et n'importe quoi sur l'environnement. Assez de bigoterie écologiste !", lancent-ils. Le message est pris très au sérieux par Getty Images, qui en a averti ses clients présents dans tous les secteurs économiques. Car le développement durable fait partie intégrante de l'économie de marché. De l'Europe à l'Amérique, les financiers sont convaincus que l'écologie est une fabuleuse source de business, un "or vert".

L'économie, deuxième pilier du développement durable, a donc un avenir radieux. Même s'il est porteur d'incohérences. Ainsi l'enquête Getty Images cite le palmarès des sociétés les plus écoresponsables, classées selon leur engagement dans leur processus de fabrication, leurs emballages, leurs nouveaux produits : arrive en tête Toyota Motor Corporation, talonné par General Electric, Whole Foods (aliments naturels), Honda Motor Company et Wall-Mart, soit deux leaders de la construction automobile (secteur responsable de 12 % des rejets de CO2 dans l'atmosphère) sur cinq, et un géant de la grande distribution (Wall-Mart).

Mais nous sommes aux Etats-Unis, nation qui a pris conscience de façon tardive mais très réactive des dangers causés par notre mode de vie destructeur de ressources naturelles. En France, l'évolution des mentalités est antérieure et progressive. Ce qui n'empêche pas certains mystères : la société Batribox (collecte, recyclage et sensibilisation de l'éco-organisme Screlec) relève ainsi dans son sondage IFOP que 87 % des personnes interrogées déclarent rapporter leurs piles et batteries usagées dans les points de collecte, alors que, selon les chiffres officiels, ces points de collecte n'en récupèrent que 30 %...

Reste le social, troisième et dernier "pilier" du développement durable. A l'intérieur de l'entreprise, les bonnes conditions de travail sont désormais capitales. Leur non-respect - surtout - risque de renvoyer une image déplorable à l'extérieur, aux yeux des consommateurs et des actionnaires. Au niveau mondial, les déséquilibres s'accroissent, parce que ce sont les riches qui polluent le plus ; parce que les nations les plus pauvres sont les plus exposées aux conséquences du dérèglement climatique.

La lutte contre les inégalités est désormais une priorité. Fabienne Simon, directrice chez TNS-Sofres, y croit : "Le social est la valeur qui monte."
Catherine Pacary
Article paru dans l'édition du Monde 03.04.08.