2 avril 2008

L'emballement durable

Vert et vertueux : en pleine Semaine du développement durable, pas une entreprise, pas une multinationale qui n'ait pris conscience du risque environnemental qui menace la planète. Du moins si l'on s'en réfère à leurs vertes affiches et communiqués de presse. Pas un média qui ne les relaie, ours polaire sur fond de banquise - fondante - à l'appui. Mais gare à l'emballement : "Nous sommes à la limite de l'indigestion", prévient Brigitte Mantel, directrice des tendances pour Getty Images France. Basée à Seattle, cette multinationale créatrice d'images vient de publier le rapport MAP (what Make A Picture) après avoir analysé 2 500 campagnes de communication dans le monde courant 2007.






Des apiculteurs s'occupent de ruches installées dans un espace vert à Besançon, le 03 octobre 2007.
AFP/JEFF PACHOUD







Selon cette enquête, réalisée avec Yankelovitch Research, les consommateurs de 2008 recherchent l'authenticité et se méfient du "greenwashing", cette tendance des annonceurs à peindre en vert leur communication sans changer leurs pratiques. "Ce qui est étonnant, c'est l'étroitesse de la palette des verts utilisés", commentent les auteurs de l'enquête. Alors que l'environnement prend une importance croissante dans le quotidien des consommateurs, ceux-ci deviennent de plus en plus méfiants vis-à-vis de la publicité mensongère. Les réactions des internautes le confirment : "Vous nous racontez tout et n'importe quoi sur l'environnement. Assez de bigoterie écologiste !", lancent-ils. Le message est pris très au sérieux par Getty Images, qui en a averti ses clients présents dans tous les secteurs économiques. Car le développement durable fait partie intégrante de l'économie de marché. De l'Europe à l'Amérique, les financiers sont convaincus que l'écologie est une fabuleuse source de business, un "or vert".

L'économie, deuxième pilier du développement durable, a donc un avenir radieux. Même s'il est porteur d'incohérences. Ainsi l'enquête Getty Images cite le palmarès des sociétés les plus écoresponsables, classées selon leur engagement dans leur processus de fabrication, leurs emballages, leurs nouveaux produits : arrive en tête Toyota Motor Corporation, talonné par General Electric, Whole Foods (aliments naturels), Honda Motor Company et Wall-Mart, soit deux leaders de la construction automobile (secteur responsable de 12 % des rejets de CO2 dans l'atmosphère) sur cinq, et un géant de la grande distribution (Wall-Mart).

Mais nous sommes aux Etats-Unis, nation qui a pris conscience de façon tardive mais très réactive des dangers causés par notre mode de vie destructeur de ressources naturelles. En France, l'évolution des mentalités est antérieure et progressive. Ce qui n'empêche pas certains mystères : la société Batribox (collecte, recyclage et sensibilisation de l'éco-organisme Screlec) relève ainsi dans son sondage IFOP que 87 % des personnes interrogées déclarent rapporter leurs piles et batteries usagées dans les points de collecte, alors que, selon les chiffres officiels, ces points de collecte n'en récupèrent que 30 %...

Reste le social, troisième et dernier "pilier" du développement durable. A l'intérieur de l'entreprise, les bonnes conditions de travail sont désormais capitales. Leur non-respect - surtout - risque de renvoyer une image déplorable à l'extérieur, aux yeux des consommateurs et des actionnaires. Au niveau mondial, les déséquilibres s'accroissent, parce que ce sont les riches qui polluent le plus ; parce que les nations les plus pauvres sont les plus exposées aux conséquences du dérèglement climatique.

La lutte contre les inégalités est désormais une priorité. Fabienne Simon, directrice chez TNS-Sofres, y croit : "Le social est la valeur qui monte."
Catherine Pacary
Article paru dans l'édition du Monde 03.04.08.

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